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Commençons par une question très simple : comment protéger l’océan

Bien que cette question soit posée depuis de nombreuses années et qu’un nombre grandissant de personnes s’efforcent d’y répondre, il semble que la réponse ne soit pas si simple et que la question mérite toujours d’être posée. 

Il est assez clair que l’océan et la vie marine subissent des pressions : changement climatique, surpêche, destruction des habitats, pollution… toutes ces menaces nuisent à la santé de l’océan et mettent en danger la biodiversité marine. 

Mais que pouvons-nous faire ? Existe-t-il une solution miracle qui pourrait atténuer toutes ces menaces en même temps et permettre une coexistence harmonieuse de notre espèce avec le reste du monde vivant ?

Cela peut sembler un peu utopique de penser ainsi, mais il y a une part de vérité derrière cette question. 

S’il est urgent de changer nos modes de production et de consommation, il est également possible de protéger rapidement et efficacement la majeure partie de la vie marine par une seule action : la création d’aires marines protégées (AMP). 

Hum… Créer des aires protégées pour protéger l’océan ? Personne n’y a pensé avant ?

 Bien sûr que si. C’est une idée mondialement acceptée et pourtant, si peu de la surface de la Terre est actuellement protégée. Sans parler de l’océan, dont moins de 3 % sont actuellement protégés des activités humaines. 

La réponse à notre question de départ commence à apparaître plus clairement : concevoir et implémenter efficacement des AMP serait un excellent point de départ pour protéger l’océan.

Dans ce nouvel article, nous vous parlerons de l’importance de la mise en place de réserves marines, de leurs avantages pour la biodiversité marine, la pêche, la sécurité alimentaire, l’adaptation et l’atténuation du changement climatique, et nous vous montrerons que nous pouvons trouver un moyen réaliste de vivre harmonieusement avec tous les habitants de notre planète bleue.

La palette des aires marines protégées : d'une protection totale à inexistante

Avant de parler de l’importance et de la nécessité des aires marines protégées, redéfinissons ce qu’elles sont. 

Toutes les aires marines protégées ne sont pas identiques : il existe différentes ” catégories “, classées selon leur niveau de protection, de totale à minimale :

  • Totalement protégées : aucun impact dû aux activités extractives ou destructrices (pêche, chalutage, ancrage…) ; 
  • Fortement protégée : l’impact est minimal ;
  • Légèrement protégé : l’impact est modéré ;
  • Minimalement protégée : l’impact est total (et pourtant on peut encore parler d’une ” aire marine protégée “). 

Au fur et à mesure que nous expliquons les avantages des aires marines protégées pour la biodiversité marine et les humains, nous devons garder à l’esprit que ces avantages ne se manifestent qu’à une seule condition : les AMP sont soit fortement, soit totalement protégées. La mise en place d’aires légèrement ou minimalement protégées n’apporte que peu de bénéfices, voire aucun.

Protéger la biodiversité marine

La vie marine est en péril : la plupart des populations d’organismes marins sont en déclin et de nombreuses espèces marines sont menacées d’extinction. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est urgent de protéger la vie marine et de l’aider à se régénérer. 

Heureusement, l’un des avantages les plus évidents et les plus simples suite à la mise en place d’une aire marine protégée est qu’elle permet la protection de la biodiversité marine. Donner de l’espace et du temps à la vie, sans aucune perturbation humaine, lui permet de se développer et de se régénérer à un stade naturel et sain.

Le nombre d’études scientifiques existant sur le sujet est énorme et elles sont toutes d’accord : dans les zones (hautement/complètement) protégées, la vie marine revient. Les individus peuvent grandir et se reproduire, formant des populations plus grandes et plus saines. En conséquence, le risque d’extinction des espèces est minimisé et la diversité et la résilience de l’écosystème augmentent.

Cela semble si évident qu’il est légitime de se demander pourquoi nous n’avons pas protégé davantage de zones de l’océan. L’une des principales raisons de ce manque de progression est que la mise en place d’une aire marine protégée est souvent considérée comme un compromis par rapport aux profits humains : créer une réserve et interdire les perturbations humaines ne ferait qu’entraîner des dommages socio-économiques et aurait un impact négatif sur les communautés qui dépendent de ces zones pour vivre. 

Le raisonnement qui préside à ces pensées est compréhensible, mais il est faux. En réalité, la mise en place d’aires marines protégées est incroyablement bénéfique pour l’humain, d’un point de vue culturel, éducatif, économique et de sécurité alimentaire.

Accroître la sécurité alimentaire

La pêche est l’une des plus grandes menaces pour la biodiversité marine. En fait, ce n’est pas la pêche elle-même, mais plutôt la surpêche des populations de poissons qui cause de gros dégâts dans l’océan. Les organismes sont prélevés à un rythme si rapide dans toutes les parties de l’océan que les populations n’ont ni le temps ni l’espace pour se rétablir. C’est là que les aires marines protégées entrent en jeu : il s’agit de donner du temps et de l’espace aux organismes marins pour se rétablir

Comment les pêcheries peuvent-elles en bénéficier ? Le processus est vraiment logique : la biomasse (nombre et taille) des espèces commercialement importantes augmente avec le temps et la population se reconstitue. En conséquence, le niveau de reproduction augmente, et les adultes et les larves peuvent alors dépasser les “frontières” de la AMP et alimenter les zones de pêche environnantes – un processus appelé l’effet de “débordement” (spillover effect en anglais).

Il a été démontré que si des AMP étaient placées stratégiquement sur 28% de l’océan, l’approvisionnement en nourriture pourrait augmenter de 6 millions de tonnes. La protection de certaines zones de l’océan contribuerait à reconstituer les populations de poissons au-delà de ces zones et, par conséquent, nous fournirait une importante source de nourriture. 

Cependant, pour garantir l’effet de débordement et les avantages pour les pêcheries locales, nous devons nous assurer que :

  • L’aire marine protégée soit hautement ou totalement protégée des activités humaines destructrices et extractives (aucune pêche autorisée) ;
  • Nous donnons le temps aux populations de poissons de se rétablir (cela ne se fait pas du jour au lendemain) ;
  • La mise en place de l’AMP va de pair avec une meilleure gestion de la pêche (quotas, méthodes, effort, distribution, etc.).

Une solution à la crise climatique ?

Un autre défi de taille auquel nous devons faire face aujourd’hui est le changement climatique

La quantité de CO2 et d’autres gaz à effet de serre présents dans l’atmosphère du fait de nos activités perturbe l’ensemble du cycle du climat et nous met, ainsi que toutes les formes de vie, en danger via l’augmentation des températures, des sécheresses extrêmes, des incendies et d’autres phénomènes météorologiques.

Mais quel est le lien avec les aires marines protégées ? Comment la mise en place d’aires marines protégées pourrait-elle nous aider à atténuer la crise climatique ?

Tout revient au rôle que joue l’océan dans le cycle climatique : l’océan est l’un des plus grands puits de carbone. 

Les fonds marins constituent l’un des plus grands réservoirs de carbone organique sur Terre, car ils accumulent des sédiments. Lorsqu’ils sont perturbés (par exemple par le chalutage ou l’exploitation minière), ces sédiments libèrent d’énormes quantités de carbone dans l’océan, aggravant ainsi la situation climatique. Pourtant, s’ils ne sont pas perturbés, ils joueront leur rôle de stockage à long terme du carbone, le fixant pour toujours et en accumulant davantage au fil du temps. 

Les herbiers marins et les forêts de mangroves sont deux écosystèmes marins considérés comme des écosystèmes de “carbone bleu” : ils capturent et conservent d’énormes quantités de carbone. Là encore, lorsque ces écosystèmes sont perturbés ou endommagés, ils libèrent du carbone. S’ils sont protégés, ils continueront à capter et à fixer le carbone pendant une longue période et seront donc nos meilleurs alliés pour faire face au changement climatique

Ces écosystèmes sont également importants pour la protection des côtes, car ils ralentissent l’énergie des vagues en provenance du large, protégeant ainsi les populations côtières des tempêtes, de l’érosion et de l’élévation du niveau de la mer, autant de phénomènes dont la fréquence et l’intensité sont prévus d’augmenter avec le changement climatique. 

L’océan est vraiment notre plus grand allié face au changement climatique, autant pour l’atténuer que pour le réduire. Des zones marines protégées stratégiquement placées qui englobent des fonds marins et des écosystèmes riches en carbone pourraient augmenter la quantité de CO2 captée par l’océan, ainsi que protéger la côte contre les effets du changement climatique. Cela devrait bien sûr aller de pair avec une réduction drastique de nos émissions de CO2.

Impliquer le monde dans la protection de l'océan

Créer des réserves marines ne consiste pas à exclure totalement les activités humaines de la zone et à nous empêcher d’accéder à l’océan. Bien sûr, la pêche et les autres activités extractives, perturbatrices et destructrices doivent être interdites, mais d’autres activités comme la baignade, la plongée avec tuba, le kayak ou le paddle board pourraient être autorisées et permettre une nouvelle façon de découvrir l’océan, de manière beaucoup plus respectueuse et harmonieuse

Lorsque la vie marine prospère dans les zones protégées, le fait de la voir et d’en apprendre davantage à son sujet constituerait un excellent moyen de sensibiliser le public, de renforcer ses connaissances et de susciter le désir de la protéger. Grâce à des visites écotouristiques et à des activités éducatives destinées aux écoles et aux populations locales, les humains pourraient découvrir la vie marine telle qu’elle devrait être : merveilleusement florissante, diverse et riche. 

Des tensions peuvent parfois apparaître lors de la mise en œuvre des aires marines protégées, en raison des différents besoins et souhaits des différentes parties prenantes (tourisme, pêche…). Cependant, une fois que toutes les parties prenantes sont réunies autour de la table, et que les avantages des aires marines protégées sont explicitement exposés et compris par tous, il est possible pour chacun de trouver une vision commune et une vision avec du sens pour protéger leur environnement local.  

En fin de compte, même si chacun a ses besoins spécifiques (d’un point de vue économique ou écologique), la mise en place d’aires marines protégées nous montre qu’il est possible de réconcilier tout le monde, humains et non-humains.

Protéger 30 % de l'océan d'ici à 2030

Bien que la protection globale de la biodiversité soit à l’ordre du jour politique mondial depuis des décennies, peu de choses ont été mises en place pour contrebalancer les effets dévastateurs des activités humaines sur la planète. 

De nombreuses nations ont pris des engagements internationaux pour créer des aires marines protégées dans leurs propres eaux afin de répondre aux objectifs mondiaux de conservation de la biodiversité

Pourtant, moins de 3 % de l’océan est véritablement placé comme zones entièrement ou hautement protégées. Seuls deux pays (le Royaume-Uni et les Palaos) ont protégé plus de 30 % de leurs eaux sous forme de zones fortement et totalement protégées et sept autres pays seulement ont protégé plus de 10 %. 

En conséquence, un appel urgent à l’action pour protéger une plus grande partie de l’océan a été lancé par des scientifiques, des militants et des ONG. La campagne 30×30 a été lancée comme un appel à protéger 30 % de l’océan d’ici 2030 par le biais d’un réseau mondial d’aires marines protégées. Cet objectif est l’occasion de préserver réellement la santé et la biodiversité de l’océan tout en nous aidant à atténuer le changement climatique et à nous y adapter, et ce, pour le plus grand bien des humains.

Conclusion

Finalement, si nous revenons à notre question initiale : “Comment protéger l’océan ?”, la réponse semble assez simple.

La mise en place de zones marines protégées, totalement ou fortement protégées et dotées de réglementations adéquates, pourrait contribuer à préserver la plupart des espèces marines. Bien sûr, cela devrait toujours s’accompagner d’autres actions de protection et de meilleurs systèmes de gestion, mais ce serait un excellent point de départ. 

Imaginer un monde où l’homme peut encore pêcher et explorer l’océan tout en permettant l’existence d’écosystèmes colorés et diversifiés, riches d’une vie marine foisonnante, est une pensée qui se rapproche davantage d’une réalité potentielle que d’une utopie lointaine. Nous avons juste besoin d’une volonté politique pour y parvenir, et pour cela, nous devons continuer à faire passer le message et à appeler nos dirigeants politiques à prendre leurs responsabilités

N’oubliez jamais que le vivant est résilient et peut se régénérer. Bien que la situation écologique actuelle puisse paraître et se sentir insurmontable, il existe un véritable espoir pour un futur plus lumineux et plus bleu. Nous disposons des outils et des connaissances nécessaires pour corriger les dégâts que nous avons créés, il nous suffit de commencer à les utiliser de manière plus efficace !